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DE LAGRANGE AVEC D’ALEMBERT

pour le remplacer, vous pourriez prendre les devants et en écrire un mot, en passant, au Roi. M. Margraff a environ mille écus, un beau logement et un laboratoire pour lequel il y a un fonds annuel ; c’est, comme vous voyez, tout ce que pourrait souhaiter une personne qui aurait un véritable goût pour la Chimie et qui voudrait s’y adonner entièrement. Au reste, lorsque vous aurez occasion de parler de cette affaire, si vous avez envie de vous en mêler, je vous prie de ne me pas nommer. Si vous souhaitez d’autres lumières à cet égard, je vous les donnerai ; mais, tant que M. Margraff vit, il ne faut faire aucune démarche pour lui donner un successeur et encore moins un adjoint, car, du caractère dont il est, ce serait lui donner le coup de la mort ; mais rien n’empêche de préparer les voies et de faire quelques démarches préliminaires.

Notre Classe de Philosophie a perdu depuis peu son ancien directeur, un M. Heinius[1], que vous n’avez point connu, parce que depuis plus de dix ans il gardait toujours la chambre. MM. Beguelin et Formey ont demandé au Roi cette place, à laquelle il y a 200 écus de pension attachés. Sa Majesté ne s’est pas encore décidée ; si vous pouviez en quelque façon contribuer à la faire avoir au premier, vous l’obligeriez infiniment, et il me semble que toute l’Académie vous en saurait gré. Adieu, mon cher et illustre ami ; depuis longtemps je vous écris toujours des Lettres dénuées de Géométrie j’en suis un peu honteux, mais d’un autre côté je suis bien aise de vous épargner toute sorte d’application. Quand on a travaillé autant que vous, on a, ce me semble, bien acquis le droit de se reposer et de se contenter de juger les autres. Je vous supplie de me conserver toujours votre précieuse amitié et de croire que personne n’a pour vous plus d’attachement, d’admiration et de reconnaissance que moi. Je vous embrasse de tout mon cœur.

À Monsieur d’Alembert, secrétaire perpétuel de l’Académie française, etc., etc., rue Saint-Dominique, vis-à-vis Belle-Chasse, à Paris.

  1. Voir plus haut la note de la page 154.