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DE LAGRANGE AVEC D’ALEMBERT

146.

D’ALEMBERT À LAGRANGE.

À Paris, ce 14 février 1777.

Mon cher et illustre ami, j’attendais l’arrivée de M. Thiébault à Paris pour répondre à la Lettre que vous m’annonciez et à une Lettre précédente à laquelle je n’avais répondu qu’en partie. Il est ici depuis très-peu de jours, et il m’a remis tous vos paquets, dont je vous fais mes remercîments.

M. de la Lande m’a assuré qu’il n’avait rien reçu de votre part, ni pour moi, ni pour MM. de Condorcet et de la Place, à qui j’ai pourtant remis les figures de votre Mémoire sur les nœuds, qu’ils n’ont point reçu. J’ai lu, quoique imparfaitement, votre beau Mémoire sur les intégrales particulières, et j’en suis enchanté, ainsi que M. de Condorcet. Je me suis remis un peu à la Géométrie, plutôt pour me distraire que pour m’occuper. J’ai ébauché différentes recherches, dont je ne ferai peut-être jamais rien, mais qui m’ont servi du moins à tuer le temps, qui, de son côté, me le rend bien et me tue lentement. J’éprouve combien il est triste et cruel d’être isolé. Ma disposition morale est peu favorable à ma disposition physique, qui pourtant n’est pas aussi mauvaise qu’elle pourrait être, attendu le régime sévère que j’observe. Mais, malgré mes soins, j’ai l’estomac fort affaibli ; il ne l’était déjà que trop avant mon malheur, et, pour peu que je m’écarte du régime que je me suis prescrit, je suis sûr au moins d’une indigestion. Cela me fait peur pour le voyage que je projette ; cependant j’ai tant d’envie de témoigner au Roi tout ce que je lui dois et de vous embrasser, que je suis toujours à cet égard dans la même résolution, et, s’il n’arrive rien de nouveau ou si mon état n’est pas pire, j’espère vous voir dans les premiers jours de juin. Pour notre ami Condorcet, il ne pourra venir avec moi. Il est trop récemment secrétaire de l’Académie, et il a dans ce moment