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ESTERHAZY


sous dans les régiments[1], — il le vante comme la plus précieuse de ses marchandises : « Le ministre de la Guerre en a envoyé un nombre fixe dans les corps, et les corps en sont responsables, chaque officier détenteur doit remettre le sien après les manœuvres. » Double mensonge, puisque les chefs de corps n’ont été nullement avisés d’une responsabilité quelconque et qu’à aucun moment les officiers n’ont été prévenus qu’ils auraient à rendre le volume[2]. Mais son commentaire sur l’importance de cet unique document original, qu’il annonce, mais qu’il n’envoie pas[3], ce commentaire va obliger Schwarzkoppen à rentrer en rapports personnels avec lui. L’attaché allemand veut-il faire son choix parmi les nouveautés du manuel, — car l’espion lui-même est incapable de les discerner[4], — ou préfère-t-il qu’Esterhazy le fasse copier in extenso[5] ? — Ce

  1. Voir t. I, 292 et Cass., I, 91, 92, etc.
  2. Cass., I, 91, Roget ; 476, Sebert ; 513, Moch ; 535, Hartmann.
  3. Cass., I, 539, Hartmann : « En finissant sa lettre, il s’aperçoit que l’envoi de l’original va lui faire courir un danger. Ce danger provient de ce qu’il n’est pas dans la même ville que son correspondant, de ce qu’il communique avec lui par la poste, et que l’envoi du projet de manuel ne peut se faire que par un paquet qui sera forcement suspect. Il préfère les simples lettres ; il enverra d’abord les quatre premières notes et sa missive qui, étant sur papier pelure, ne dépasseront pas 15 grammes. Il en sera de même, plus tard, pour la copie du projet, expédiée en plusieurs fois s’il le faut. De plus, on pourrait lui redemander inopinément le projet de manuel, et il aimerait mieux l’avoir toujours sous la main. » Roget attribue le bordereau à Dreyfus, mais traduit, comme Hartmann, la phrase en question. (Cass., I, 93.)
  4. Cass., I, 513, Moch ; 538, Hartmann ; Rennes, III, 175, Sebert.
  5. Mulot, la première fois qu’il est interrogé par Picquart, déclare ne pas se souvenir de ce qu’il a copié : « Manuel de tir d’artillerie ? Peut-être… Un jour il me dit qu’il s’était fait prêter un des livres ou manuels. » (29 septembre 1896. — Note de Picquart.) À l’instruction Tavernier (21 octobre 1898), Mulot dépose que Picquart lui montra le manuel, mais