qui ignorent tout, croient leur père en voyage ; « l’âme si fraîche » de ces pauvres êtres ne doit rien savoir de l’épouvantable drame. C’est l’un des devoirs qu’elle s’est imposé ; jusqu’au bout, à travers quatre années, elle réalisera ce miracle, ce sublime mensonge, par on ne sait quel prodige de dévouement maternel et de domination sur elle-même. Et Dreyfus trouve la force d’écrire gaiement à son fils :
Tu montreras à petite Jeanne à faire de belles tours en bois, bien hautes, comme je t’en faisais et qui dégringolaient si bien. Sois bien sage, fais de bonnes niches à tes tantes. Quand papa reviendra de voyage, tu viendras le chercher à la gare avec petite Jeanne, avec maman, avec tout le monde[1].
Il s’occupe de la santé, de l’éducation des enfants dont le portrait ne le quitte pas, qu’il a mis sur sa table avec celui de sa femme, pour les avoir constamment sous les yeux :
Ne les garde pas à Paris pendant la chaleur. Donne-leur toujours beaucoup d’initiative dans leurs mouvements. Laisse-les se développer librement et sans contrainte, afin d’en faire des êtres virils. Puise en eux ta consolation et ta force…
Et il la réconforte de ce rêve d’avenir :
- ↑ 18 mai 1895.