Le jour où le commandant lui remit son premier courrier : « On demande à Paris, lui dit-il, si vous n’avez pas un dictionnaire de mots conventionnels ? » Dreyfus l’engagea à chercher : « Que pense-t-on encore ? — Oh ! on n’a pas l’air de croire à votre innocence[2]. »
Le commandant, lui aussi, comme les gardiens, s’était figuré autrement le traître. C’était un vieux zouave rude, criard, mais sans méchanceté. Il réfléchira, par la suite, à cette attitude, « toujours la même, soumise et déférente » ; jamais de plainte ni de réclamation[3]. En attendant, il continua à prendre les précautions les plus minutieuses. Du 10 au 15 juin, il tint Dreyfus enfermé dans sa case pendant que les forçats travaillaient au logement des gardiens. Et, de nouveau, du 25 juin au 7 juillet[4]. Le Juif, évidemment, eût pu échanger des communications mystérieuses, cabalistiques, avec ces hommes, par exemple avec l’un des frères Rorique, eux aussi victimes d’une erreur judiciaire, qui étaient venus par le même convoi que lui et avaient aidé à construire sa case[5].
Cette crainte, pour absurde qu’elle soit, est un prétexte. Mais pourquoi, à partir du 10 juillet, cette défense à Dreyfus de s’asseoir derrière sa case, devant la mer où il y avait un peu d’ombre, où il recevait le vent de l’Océan ?