Le 14 Juillet, il vit flotter partout, sur l’île Royale, sur la côte de la Guyane, aux mâts des vaisseaux, le drapeau tricolore. « Sa douleur fut telle que la plume lui tomba des main[1]. »
V
Dreyfus, au début de sa captivité, s’était persuadé qu’elle serait de courte durée. Son espoir d’un prompt dénouement éclate dès sa première lettre à sa femme. « Dans mon horrible détresse, je passe mon temps à me répéter le mot que tu m’as dit à mon départ, votre certitude absolue d’arriver à la vérité. Autrement, ce serait la mort pour moi[2]. Et cinq jours plus tard : « Envoie-moi une dépêche quand tu auras une bonne nouvelle à m’annoncer ; pense à tout ce que je souffre. » Il escomptait l’active sagacité de son frère Mathieu, « brûlant de la même fièvre de combat que lui-même », et comptait sur la promesse que Du Paty lui avait faite, au Cherche-Midi : « au nom du ministre, de faire poursuivre des recherches ; en son nom personnel, de le prévenir dès que la fuite reprendrait au ministère[3] ». Il écrivit donc à Du Paty : « Parole dite est parole sacrée pour un soldat. Fort de mon innocence, j’attends la réalisation de vos promesses[4]. » Il raisonnait fort bien : « Le misérable qui a commis le crime est sur une pente fatale, il ne peut plus s’arrêter. »
En effet, Esterhazy avait repris son service auprès