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L’ILE DU DIABLE


refuse encore, « Prenez garde, s’écrie Gibert, que ce crime ne retombe sur vous ! »

Et il quitta, pour n’y plus retourner, l’Élysée où il venait pour la première fois.

Dreyfus, ce même jour, fut embarqué pour l’île du Diable.

X

La confidence de Félix Faure à Gibert était à la fois décisive et vaine : la condamnation de l’innocent n’a pu être obtenue que par un crime ; mais quelle preuve en donner ?

D’autres encore parlèrent, à la même époque, des pièces secrètes : les juges mêmes de Dreyfus, très tranquilles, sans nul remords ni scrupule. Et aucun de leurs auditeurs, chrétiens ou juifs, ne protesta, tant l’ignorance de la loi est générale en ce pays, où nul n’est censé l’ignorer, et tant ce peuple, épris de justice, est indifférent au droit.

Ce fut d’abord le lieutenant-colonel Échemann. Le matin qui précéda la dernière audience, il avait annoncé à un journaliste[1] que Dreyfus serait acquitté. Le lendemain, comme ce journaliste se plaignait d’avoir été si mal renseigné, l’officier expliqua que des pièces, inconnues de la défense et même du commissaire du Gouvernement, avaient, à la dernière heure, décidé du verdict[2].

Peu de jours après, le capitaine Freystætter ren-

  1. De Maizière, parent du général de Pellieux et rédacteur au Gaulois.
  2. Le journaliste informa son directeur, Arthur Meyer.