Puis, d’autres événements occupèrent l’attention publique : débats et crises parlementaires, l’impôt sur le revenu, les progrès du socialisme, les massacres d’Arménie, la guerre entre la Turquie et la Grèce, la revanche des modérés contre les radicaux, l’avènement du ministère Méline[1], la politique d’apaisement, l’annonce de la visite du Tsar à Paris.
Mathieu n’osait plus écrire à son frère ; les phrases banales sur l’imminente découverte de la vérité lui répugnaient comme un mensonge. Et Lucie Dreyfus elle-même ne trouvait plus les mots équivoques et doux pour cacher le déchirement qui se faisait en elle quand, à chaque courrier, après un long mois d’attente et d’angoisses, elle ne pouvait pas annoncer encore à l’infortuné le terme de leurs tortures. Et lui, il répétait toujours à sa femme d’agir elle-même, d’aller partout, « la tête haute », réclamer justice :
- ↑ Le cabinet Méline, qui succéda, le 26 avril 1896, au cabinet Bourgeois, était ainsi composé : Agriculture et Présidence du Conseil, Méline ; Affaires étrangères, Hanotaux ; Intérieur, Barthou ; Justice, Darlan ; Finances, Cochery ; Guerre, général Billot ; Marine, amiral Besnard ; Travaux publics, Turrel ; Instruction publique, Rambaud ; Commerce, Boucher ; Colonies, André Lebon.