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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

Pourquoi ? Pour le simple plaisir de l’indiscipline ?

Il savait, pour cause, que le bordereau n’était point venu par le cornet ; Schwarzkoppen ni Panizzardi n’avaient pour coutume de jeter au panier les documents, pièces et lettres, qu’ils recevaient de leurs espions ; ils les gardaient dans leurs tiroirs ou les transmettaient à leurs États-Majors respectifs. Ce que les attachés étrangers déchiraient, jetaient aux papiers de rebut ou dans les cendres de la cheminée, c’étaient leurs brouillons, leurs correspondances personnelles. Le dossier secret est composé, pour la grande part, de cette sorte de fragments informes, butin ordinaire de la ramasseuse[1]. Pourtant, il eût pu leur arriver, à l’Allemand surtout, de commettre quelque sottise plus grave. Ils étaient grands écrivailleurs. Une allusion dangereuse, un nom, pouvait leur échapper, quelque initiale.

Henry, prudent, l’oreille au guet, ne laissait rien au hasard.

Picquart observa, peu après, que le cornet ne donnait pas grand’chose[2].

VIII

Picquart prit goût à ses nouvelles fonctions, à cette chasse à l’homme et au document qu’est la police militaire. Il réussit plusieurs opérations difficiles. Il s’ingénia à surveiller de plus près l’attaché allemand[3]. Il

  1. Aff. Picquart, 270, Picquart.
  2. Instr. Tavernier, 28 sept. 1898 ; Cass., I, 147 ; Picquart.
  3. On a vu (t. I, 27) que le service avait loué un appartement au-dessus du « pied à terre » où Schwarzkoppen et ses collègues prenaient parfois leurs repas. Picquart fit installer