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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

X

Lauth partit en congé, le 26 mars, pour les fêtes de Pâques. La mère d’Henry mourut le 28. Lauth, à son retour, le 7 avril, raconta à Henry quelle trouvaille il avait faite dans les cornets. Henry s’étonna : « C’est bizarre, dit-il, je fais cependant mon triage avec assez de soin, et je n’avais pas remarqué cela. » Puis, sur une observation de Lauth qu’il aura mal regardé : « Cela m’étonne, car je regarde toujours morceau par morceau[1]. »

Henry, quelque empire qu’il eût sur lui-même, n’avait pu réprimer un mouvement ; il l’expliqua comme il put[2].

Le fait est que, cette fois, pris de court et préoccupé, comme on l’a vu de sa mère, il avait procédé à un examen trop

  1. Enq. Pellieux, 28 nov. 1897, Henry. — Même déposition devant Ravary : « Le nom d’Esterhazy sur un fragment de petit bleu m’aurait frappé d’une façon particulière, car je l’avais connu en 1878. » Or, le nom avait été déchiré en trois fragments : Este… rhaz… y, mêlés à des centaines d’autres.
  2. Ce dialogue, rapporté par Henry, n’a rien d’invraisemblable, sauf le dernier mot de la phrase prêtée à Lauth : « Peut-être n’avez-vous pas bien regardé dans les fragments allemands. » Toute la ruse ordinaire d’Henry est dans ce dernier mot. On a vu, en effet, que, du temps de Sandherr, les fragments en français étaient recollés par Henry et les fragments allemands par Lauth. Or, Picquart avait décidé que tous les fragments seraient recollés par Lauth. Au surplus, la ruse est grossière. En effet, pour que cette fin de phrase eût un sens, il faudrait supposer que le tri entre les papiers étrangers et français, tous mêlés dans les cornets, était fait par la ramasseuse elle-même.