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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


lui était coutumière, sans formuler aucune objection[1]. Picquart lui demanda s’il connaissait Esterhazy. Henry répondit qu’il l’avait connu, mais sur un ton de parfaite indifférence, « comme d’une personne qu’on ne voit pas[2] ». Ils avaient été ensemble, il y a dix-huit ans, à ce même bureau des Renseignements, sous Campionnet, avec Maurice Weil. (Si Henry s’en était caché, Picquart n’aurait pas tardé à le savoir et, de ce mensonge, eût conçu des soupçons.) « Est-ce un homme sujet à caution ? » interroge Picquart. Henry allègue qu’il l’a perdu de vue, mais « part immédiatement en guerre contre Weil », sans ajouter toutefois que les relations continuent entre l’ancien officier d’ordonnance de Saussier et Esterhazy.

Il ne dit pas davantage ce qu’il dira, la veille de sa mort, « qu’il avait vu venir Esterhazy, une fois, chez Sandherr[3] ».

Picquart consulta alors Henry sur le choix de l’agent

  1. « Aucun des deux officiers mêlés au commencement de l’affaire (Henry et Lauth) n’a eu l’air de mettre le moins du monde en doute la sincérité d’origine de cette pièce. » (Enq. Pellieux, 26 nov., Picquart.) Henry, à qui Pellieux communique cette déclaration de Picquart, répond qu’il a eu des doutes dont il a fait part à Lauth ; mais que « ses souvenirs ne sont pas assez précis pour affirmer qu’il en a fait également la remarque au colonel ». — Lauth, jusqu’au procès Zola, ne conteste pas l’authenticité du petit bleu; il l’admet de nouveau à l’instruction Fabre (28) et à la Cour de cassation (I, 416). Enfin, à Rennes (I, 619), il se dit « convaincu » que le petit bleu vient de l’ambassade d’Allemagne. — Picquart, à l’instruction Ravary, maintint sa déposition précédente : « Jusqu’à ce que la question du bordereau soit intervenue, Henry m’a toujours semblé trouver mes recherches justifiées. » (13 décembre.)
  2. Cass., I, 157 ; Rennes, I, 425 ; Instr. Tavernier, 30 septembre 1898. Picquart : « Henry, qui devait connaître l’écriture d’Esterhazy, ne pouvait-il pas prévoir déjà qu’on pourrait attribuer à Esterhazy une partie des faits reprochés à Dreyfus ? »
  3. Revision, 104, Procès-verbal de l’interrogatoire d’Henry.