qu’il chargerait d’une enquête secrète sur Esterhazy[1], ajoutant d’ailleurs qu’il s’en réservait exclusivement la direction[2] ; il ne voulait plus de Guénée, trop indiscret[3]. Henry lui désigna l’un des deux commissaires spéciaux de police qui étaient détachés au ministère de la Guerre, Desvernine[4].
Puis, sans tarder, Henry prévint Esterhazy qu’il allait être surveillé, et par qui, et qu’il eût à agir en conséquence.
XII
Les preuves ne manquent pas qu’Esterhazy fut averti par Henry. Dès son premier rapport, du 17 avril, Desvernine signale que « le caractère du Bienfaisant » — nom employé par l’agent pour désigner Esterhazy, qui demeure rue de la Bienfaisance, — « s’est assombri depuis quelque temps ». — Esterhazy avisa Drumont que « ses ennemis voulaient recommencer l’affaire Dreyfus et l’y mêler, parce que son écriture ressemblait à celle du Juif »[5]. — Enfin, dans les premiers jours de mai, il alla à l’ambassade d’Allemagne, par deux fois, dans la même semaine, ouvertement,
- ↑ Instr. Ravary, 13 déc. 1897, Instr. Fabre, 93, Picquart. Le fait est nié par Henry (Instr. Fabre, 52).
- ↑ Enq. Pellieux, 26 nov. 1897 ; Cass., I, 157, Picquart.
- ↑ Cass., I, 149, Picquart.
- ↑ Cass., I, 729 ; Rennes, II, 251, Desvernine : « Au mois d’avril 1896, entre le 1er et le 10, le colonel Picquart me donna l’ordre de faire une enquête sur Esterhazy. » Picquart lui donna son premier rendez-vous par une carte-télégramme signée Robert et datée du 8 avril. Instr. Tavernier, 22 oct 1898).
- ↑ C’est Drumont lui-même qui a révélé l’incident (Libre Parole, du 3 décembre 1902) quelques jours après la publication de ce volume et sans comprendre, peut-être, toute la portée de son récit. Drumont dit qu’il ne peut se rappeler la date exacte de cette visite d’Esterhazy en 1896, « mais c’était certainement avant la publication des brochures de Bernard Lazare, alors que l’affaire Dreyfus était déjà, sinon oubliée, du moins entrée dans le définitif ».