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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


de paille qui, payé par les Dreyfus, faussaire contre lui-même, se dénoncerait comme l’auteur du bordereau.

Picquart ne discuta pas avec le fou, refusa de lui montrer l’original, « sans quoi, il aurait trahi Esterhazy[1] », mais lui laissa un fac-similé. L’anthropométreur le lui rapporta plus tard, non sans l’avoir photographié en secret[2].

Les deux expériences étaient également décisives contre Esterhazy ; l’écriture du bordereau, c’était la sienne.

XXII

Picquart, depuis quelques jours, avait la sensation de la chute. Il se raccrocha à l’idée qu’Esterhazy et Dreyfus seraient complices[3]. Cela arrangerait tout.

Il étudia, à nouveau, le texte du bordereau. La fameuse phrase : « Je vais partir en manœuvres », inapplicable à Dreyfus, s’entend très bien d’Esterhazy. Il est allé, en effet, aux manœuvres de cadres, en mai 1894, et Picquart, sur la parole de Gonse et d’Henry, croit que le bordereau date d’avril[4]. Major en 1894, Esterhazy avait des secrétaires ; il aura fait copier par l’un d’eux le manuel de tir ; Curé l’a signalé comme faisant toujours copier toutes sortes de pièces par des soldats. Les autres renseignements ou notes du bordereau n’ont pas forcément été fournis par un

  1. Cass., I, 155, Picquart.
  2. Ibid. ; Rennes, I, 431, Picquart.
  3. Rennes, I, 431, Picquart.
  4. Cass., I, 156, Picquart.