il n’osa pas entamer de discussion. Les paroles décisives : « Vous faites fausse route, Dreyfus est certainement coupable ! » lui restèrent dans le gosier.
Le 3 septembre, quand Picquart arriva chez Gonse, à Cormeilles-en-Parisis, il eut l’impression que le sous-chef savait déjà. Boisdeffre, en effet, lui avait écrit, la veille, prescrivant la réponse à faire[1]. Picquart exposa à Gonse sa découverte pendant deux longues heures[2]. Gonse, comme Boisdeffre, l’écouta sans une seule observation[3]. Il n’allégua aucune autre preuve contre Dreyfus, ne souffla mot des prétendus aveux[4]. Quand il eut pris connaissance de toutes les pièces, y comprises celles du dossier secret, Gonse, grimaçant[5], dit seulement : « Alors, on se serait trompé[6] ? »
Il n’ajouta, ce jour-là, aucun autre commentaire[7]. Quand Picquart, comme il y avait été invité par
- ↑ Voir p. 299, note 1.
- ↑ Cass., I, 140, Picquart.
- ↑ Ibid. — Cass., I, 248, Gonse : « J’ai été très étonné. »
- ↑ Rennes, I, 432, Picquart.
- ↑ Revision, 113, lettre de Picquart au garde des Sceaux : « Gonse fit la grimace en me disant… »
- ↑ Instr. Fabre, 77 ; Cass., I, 140, 161 ; Rennes, I, 432, Picquart. — Gonse (Rennes, I, 560) dit qu’il reconnut une certaine ressemblance entre l’écriture du bordereau et celle d’Esterhazy, mais il y a bien d’autres écritures qui se ressemblent. « Demange : Le général Gonse n’a-t-il pas, à ce moment, conçu la pensée qu’il pouvait y avoir eu une erreur en 1894 ? — Gonse : Du tout ! — Demange : N’a-t-il pas été frappé par l’identité d’écritures ? — Gonse. Non. » Et ailleurs : « Un membre du Conseil : Quand M. Picquart vous a fait part de ses recherches, n’avez-vous pas laissé voir qu’il était possible qu’on se soit trompé et que Dreyfus fût innocent ? — Gonse : Jamais de la vie. » (I, 557.)
- ↑ Procès Zola, I, 151, 219, Gonse ; Cass., I, 161, Picquart ; I, 248, Gonse. — « Il parut partager ma conviction. » (Cass., II, 208, Picquart.)