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LA DOUBLE BOUCLE


la fuite du traître[1]. La « juiverie » a réuni quatre millions[2]. Comment expliquer, sinon par l’or d’Israël, que tous les gardiens successifs de ce gredin le croient innocent[3] ? — Et, ce qui porte plus que ces grossières vilenies, l’Éclair publie un premier article, qui passe pour une communication autorisée, sur le sombre procès dont la France, le monde entier, ne savent encore que le dénouement. Un coin du voile se lève : « Il y a plus pour établir la culpabilité du traître qu’un autographe. » Le journaliste anonyme esquisse la scène de la dictée, « où Dreyfus, surpris, laissa échapper un premier aveu ». Surtout, il pose en pleine lumière la figure d’un loyal officier qui, avant le départ du misérable pour le bagne, « lui parla, dans sa prison, de la patrie trahie et l’invita à atténuer le mal qu’il avait fait en le délimitant en toute franchise ». Mais Dreyfus n’avait répondu à l’officier que par un cri de rage contre « les imbéciles qui l’avaient laissé prendre[4] ».

VII

Picquart s’était attendu (il le dit à Boisdeffre et à Gribelin) à une campagne de presse en faveur de Dreyfus[5]. D’ailleurs, loin d’en rien espérer pour l’œuvre

  1. Matin du 11, Intransigeant des 11, 12 et 13, Libre Parole des 6, 9, 16 septembre 1896, etc.
  2. Libre Parole du 22.
  3. Intransigeant du 9.
  4. Éclair du 10. — Cuignet attribue cet article à Du Paty, dont « la personnalité y est complètement mise à jour » (Cass., I, 342, 344). Du Paty dément formellement cette assertion (Cass., I, 443 ; II, 33). — Voir pages 372 et 373.
  5. Instr. Fabre, 60, Boisdeffre ; 104, Picquart. — Cass., I, 265 ; Rennes, I, 525, Boisdeffre. — Gribelin prête à Picquart ces pro-