Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1903, Tome 2.djvu/359

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
349
LA DOUBLE BOUCLE


fications que nous apportions à notre plan de débarquement sur la base de concentration[1] ». — Un peu plus tard, on mit la main « sur un document d’une importance exceptionnelle », lettre « chiffrée[2] » qu’adressèrent, en septembre, les attachés militaires allemands à leurs collègues italiens[3]. Elle fut interceptée, photographiée, avant d’être réexpédiée, puis déchiffrée ; elle était « relative au service d’espionnage à Paris et contenait cette phrase : Décidément cet animal de Dreyfus devient trop exigeant[4] ». Sandherr la communiqua à Mercier, le 10 septembre[5]. — Tout de suite, on soupçonna Alfred Dreyfus[6], « officier d’une intelligence remarquable, sorti dans les premiers rangs de l’École supérieure de guerre », mais qui, placé à l’État-Major sous les ordres du commandant Bertin, « lui avait inspiré une vive répulsion ». Cependant Mercier « ne crut pas devoir faire usage de cette lettre »

  1. Je cite textuellement. Qu’est-ce qu’un plan de débarquement sur la base de concentration ?
  2. Cass., I, 342, Cuignet :« La pièce en question n’était pas chiffrée ; cela est probablement une allusion à une autre pièce du dossier qui était chiffrée. » (Cuignet vise, ici, la dépêche du 2 novembre et reconnaît ainsi qu’elle faisait partie du dossier secret communiqué aux juges en chambre du conseil.)
  3. Sandherr et Du Paty l’attribuaient à Panizzardi. (Rennes, II, 511, Du Paty.)
  4. Instr. Fabre, 102 ; Rennes, I, 439, Picquart : « Cette phrase reflétait exactement l’explication que donnait Du Paty de la pièce Canaille de D… Il nous a souvent dit : « Dreyfus avait des exigences folles. » — Schwarzkoppen avait écrit à Panizzardi : « Ci-joint douze plans directeurs de Nice, que ce canaille de D… m’a remis pour vous. »
  5. Lauth convient qu’il a recollé lui-même, en 1893, la pièce Canaille de D… (Rennes, II, 531). De même, Cuignet (Cass., I, 357). Cordier croit la pièce de 1892 (Cass., I, 298, et Rennes, II, 511 et 514).
  6. Rennes, I, 86, Mercier : « Dans tous les cas, Dreyfus, à ce moment, ne fut aucunement soupçonné. »