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HENRY


transactionnelle[1] : il ne faut pas renvoyer Picquart, tout de suite, dans un corps de troupe ; il suffira « d’abord[2] » de l’éloigner, en le chargeant de quelque mission. Il sera aisé d’en inventer une[3]. On le chargera de contrôler les services de Renseignements et d’espionnage, pour le temps de guerre, sur les frontières de l’Est et du Sud-Est[4]. Boisdeffre ne commit pas la faute d’insister sur sa proposition ; il se rangea à celle du ministre[5].

Idée ingénieuse et qui concilie tout, qui pare à tout. Ainsi on évitera l’embarras de disgracier ouvertement Picquart, qui eût pu regimber, et celui de lui donner un successeur officiel, mutation qui risquerait d’être connue et de « fournir un aliment à de nouvelles polémiques de presse[6] ». C’est Gonse lui-même qui prendra la direction provisoire du fâcheux service qui a causé tant d’ennuis.

Lorsque Boisdeffre avisa Picquart, lui recommandant, d’ailleurs, une discrétion sévère, le colonel comprit aussitôt que le ministre avait le désir de l’éloigner de Paris[7] ; mais il avait l’habitude d’obéir. Gonse

  1. Cass., I, 263, Boisdeffre : « Le ministre a jugé préférable… etc. » — Cass., I, 550, 551 ; Rennes, I, 172, Billot.
  2. Cass., I, 263, Boisdeffre.
  3. Ibid., II, 161, Gonse : « J’ai dit au ministre qu’on l’éloigne sous le prétexte de lui donner une mission et, plus tard, on le versera dans la troupe. » — Rennes, I, 526, Boisdeffre : « Mission fort importante, du reste. »
  4. Cass., I, 248, Gonse ; 551, Billot ; II, 165, Picquart ; Rennes, I, 172, Billot ; I, 418, Picquart.
  5. Cass., I, 253, Gonse ; 264, Boisdeffre.
  6. Ibid., 263 ; Rennes, I, 526, Boisdeffre.
  7. Procès Zola, I, 308, Picquart : « La mission n’était pas indispensable… J’ai mis un peu de bonne volonté à en comprendre l’objet. » Cass., II, 165 : « J’ai compris tout de suite qu’il s’agissait de m’éloigner, mais je ne l’ai fait sentir à personne. »