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HENRY


confie à nouveau[1]. Quelle mission plus importante ! À la frontière de l’Est ! Il est sûr que Picquart saura s’en acquitter à merveille. Seulement, il lui commande le plus grand secret, cette fois, et de partir sans retard, dans les quarante-huit heures (avant l’interpellation), vu l’urgence extrême (malgré que l’Italie ait fait la paix avec Ménélik).

Picquart, en sortant, dit à Gonse : « Comment avez-vous laissé le ministre exhaler son indignation à propos des lettres saisies à la poste ? — Je croyais, reprit Gonse, que vous les faisiez voler chez le concierge[2]. » De Dreyfus, toujours pas un mot.

Le lendemain et le surlendemain, avant de partir, Picquart transmit le service à Gonse[3]. Il lui rendit compte de son enquête sur Esterhazy, du premier au dernier jour, et lui remit les rapports de Desvernine, toutes ses notes, « jusqu’au moindre petit bout de papier[4] ». Il remit le petit bleu à Henry, en lui recom-

  1. Cass., I, 171 ; Rennes, I, 455, Picquart. — Cass., I, 551 ; Rennes, I, 172, Billot.
  2. Récit de Picquart.
  3. Procès Zola, I, 374, Picquart : « J’ai quitté le service le 14 ; je l’ai remis dans les journées du 15 et du 16 au général Gonse. » — Cass., I, 551, Billot ; Rennes, I, 527, Boisdeffre.
  4. Cass., I, 147 ; Rennes, II, 120, Picquart. — Gonse prétend que Picquart ne lui rendit jamais compte de son enquête, qu’il n’apprit que beaucoup plus tard les conversations de Picquart avec Mulot et Le Rond (Cass., I, 250 ; II, 355 ; Rennes, I, 553, 534), qu’il les connut seulement au procès Zola. Or, non seulement Picquart, depuis le 3 septembre, a rendu compte à Gonse au jour le jour, mais le dossier que Picquart remit, en s’en allant, à Gonse contient des notes complètes sur les moindres incidents, de véritables procès-verbaux des séances où il questionna Le Rond et Mulot. La Cour de cassation et le conseil de guerre de Rennes ont eu ce dossier entre les mains, ainsi que le commandant Tavernier. D’ailleurs, Gonse, à l’instruction Tavernier (1er  octobre 1898), a convenu de la remise de ce dossier entre ses mains et il le conserva, dit-il, jusqu’au mois de juillet 1898. — Pour le petit bleu, Gonse ne