Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1903, Tome 2.djvu/472

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
462
HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


où on regardera de près le petit bleu, il apparaîtra que la carte-télégramme était destinée à une personne autre qu’Esterhazy, mais demeurant dans la même rue, et que Picquart a effacé son nom pour y substituer celui de l’ami d’Henry[1]. « Schwarzkoppen n’aurait pas été assez bête » pour confier à la poste une carte aussi compromettante, « où, lui-même, il aurait nommé son espion[2] » !

    Charavay, Varinard. » — Cet isolement des lettres fut remarqué par Picquart quand Pellieux, le 26 novembre 1897, lui montra le petit bleu. — Il est remarquable qu’un faux à peu près identique se soit produit, au iie siècle, dans un procès égyptien dont nous avons le protocole sur un papyrus de Berlin (n° 388). La faussaire Rolinaïs, conservant par devant elle le véritable acte d’affranchissement d’Eucairos, lui en a délivré un autre, fait à un autre nom, mais après avoir gratté ce nom pour le remplacer par le sien. (Gradenwitz, Einführung in die Papyruskunde, xii ; l’auteur fait le rapprochement avec le petit bleu.)

  1. Rapport : « L’hypothèse très naturelle que la constatation des grattages et surcharges nous a d’abord amenés à faire, c’est que nous nous trouvions en présence d’un nom substitué à un nom gratté ; mais cette hypothèse n’a pas été confirmée par un examen plus attentif… Nous avons vainement cherché, en suivant la trace des grattages à l’aide du microscope et de la loupe, à reconstituer, avec quelque vraisemblance, une lettre quelconque. M. L’Hôte (l’expert chimiste), d’autre côté, nous a déclaré qu’il n’avait pu faire revivre aucune parcelle des caractères supposés grattés. » — De même Picquart : « Ces grattages et surcharges sont de nature à tromper lors d’un examen superficiel. » (Cass., I, 145 ; Rennes, I, 464 Et Roget : « Le petit bleu a les apparences d’un document frauduleux. » (Cass., I, 110.) De même à Rennes (I, 296). — Ce sont ces apparences qui, jointes aux dénonciations de Lauth et de Gribelin, motivèrent, plus tard, les poursuites en faux et usage de faux intentées contre Picquart par le général Zurlinden. À Rennes, Zurlinden reconnut, « que le grattage ne peut être attribué au lieutenant-colonel Picquart » (III, 476).
  2. Procès Esterhazy, 133, Esterhazy : « Il n’est pas admissible que, si j’avais des relations louches avec la personne visée par M. Picquart, elle soit assez bête pour m’écrire, à moi qui serais un espion, d’une telle façon, en mettant mon nom, mon grade, mon adresse sur une carte ainsi jetée à la poste, une