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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


faire envoyer des directives nouvelles ; il lui recommande de ne pas faire connaître sa présence en Tunisie[1] ; « cette partie capitale de sa mission doit être absolument secrète et inaperçue pour l’extérieur[2]. «

Henry, de même, fait montre d’une grande sollicitude. Picquart avait laissé à Paris un cheval, « un vieux camarade, un compagnon d’armes qu’il eût été désolé de savoir en de mauvaises mains » ; Henry assure à l’animal « de bons Invalides[3] » ; il espère, d’ailleurs, que le colonel reviendra bientôt.

Picquart ne fut pas dupe de Gonse, mais il fit mine de l’être. Il continua donc à écrire au général des lettres d’une amicale déférence ; et il remercia Henry, mais en toute sincérité ; « il a gardé le meilleur souvenir de tous ses subordonnés, officiers de choix, et il est fier de les avoir eus sous ses ordres[4] ». Il confia d’autre part ses craintes au général Millet, qui, naguère, l’avait fait entrer au bureau des Renseignements. Millet lui répondit de se rassurer, « mais qu’il avait probablement cessé de plaire[5] ». C’était bien la disgrâce.

Comme le mensonge de sa mission lui pesait, il de-

  1. « Le point important dans la pensée du ministre, c’est que votre présence en Tunisie soit ignorée. » (16 janvier.)
  2. « Je répète et je souligne ces expressions avec insistance pour bien vous pénétrer du caractère et de la nature de votre mission. »
  3. Picquart l’en remercia par une lettre affectueuse, de Sousse, le 7 février 1897.
  4. « Je puis dire que, tant que j’ai été avec vous, je n’ai eu de tous que les plus grandes satisfactions, et je désirais que ces messieurs n’ignorent pas mes sentiments et le plaisir que j’ai eu à les avoir sous mes ordres… Encore une fois, cordialement merci, mon cher Henry, et bons souvenirs au petit zouave. Mes amitiés à tous ces messieurs. À vous. »
  5. Cass., I, 191, Picquart.