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SCHEURER-KESTNER


citation avait été rayée[1]. L’incident avait fait scandale. Puis, des rumeurs circulèrent ; la disgrâce, dès qu’elle menace, délie les langues. Enfin, le colonel Abria, quand il vit la photographie du bordereau, avait été frappé de l’étonnante ressemblance entre cette écriture et celle du commandant. Il n’avait pas osé conclure, mais les communications de Picquart lui revinrent à l’esprit[2].

Esterhazy, respirant mal dans cette atmosphère de défiance, redoubla alors d’efforts pour entrer au ministère de la Guerre. Il suivait ses idées. Trois jours après l’interpellation de Castelin, onze jours après la publication du Matin, il harcèle de nouveau Montebello et Jules Roche pour qu’ils l’imposent, étant membres de la Commission de l’armée, au ministre récalcitrant[3]. Billot, évasif, ajourna sa réponse après le vote du budget. Esterhazy ne se payait pas de cette monnaie[4].

Henry, jusqu’à sa victoire sur Picquart, inquiet terriblement pour lui-même et dans une situation subalterne, n’était pas de ces puissants dont le concours

    p. 433), Esterhazy s’inquiétait de l’incident : « Le Guerrier me taquine de toutes manières… etc. »

  1. Cass., I, 616, Guerrier.
  2. Lettre du colonel (aujourd’hui général) Abria.
  3. Cass., I, 703, lettre à Jules Roche, du 21 novembre. Le 7 décembre, Jules Roche écrit à Billot : « Je viens de nouveau, au nom de Montebello et au mien, vous prier très instamment de prendre, dans les services du ministère, notre ami, le commandant Esterhazy. Nous ne saurions vous dire combien nous tenons au succès de notre démarche auprès de vous, qui êtes maintenant le seul arbitre et n’avez qu’à consentir, toutes les bonnes volontés étant certaines et toutes les petites difficultés étant levées. Vous ne pouvez faire preuve de bienveillance envers un officier plus méritant. » (Cass., I, 555.)
  4. Cass., I, 705, lettre du 15 décembre à Jules Roche : « Jusqu’au budget, le ministre a peur de vous et de Montebello ; après, il m’enverra faire f…, moi et les miens. »