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ESTERHAZY


est né, et, les ayant déjà vues malheureuses et vaincues, il leur souhaite de nouvelles défaites et de nouvelles catastrophes.

VII

À vrai dire, il ne les a jamais aimées ; bien plus, malgré son acte de naissance, il n’est Français que de nom. Dès le lycée, il paraît dépaysé, non seulement étrange, mais étranger ; plus tard, dans les régiments où il passe, il étonne « par on ne sait quoi d’insolite, d’inexplicable[1] » ; bien qu’« insinuant et charmeur », il n’a aucun ami, on l’appelle « le rastaquouère[2] ». Même avant de plonger dans les bas-fonds et de donner libre cours à ses colères, il a toujours parlé en étranger des choses de France ; il dira, un jour, de lui-même, « qu’il n’est Français que par le sabre[3] ». Un phénomène, bien connu des physiologistes, ramène parfois vers les types primitifs de l’espèce les sujets que les croisements successifs en ont éloignés ; il est un exemple de cette loi de retour.

Bien que sa mère soit de pure lignée française, —

  1. Lettre d’un officier, son camarade en Tunisie. — Dans les notes d’un ancien officier du 135e : « Il avait l’air d’un étranger. »
  2. Figaro du 18 novembre 1897 ; propos tenus à Jules Huret par un officier du 74e de ligne, dont faisait partie Esterhazy : « Il n’était en somme qu’un rastaquouère dans l’armée française ! » — Procès Zola, II, 158, Huret : « Voilà le mot le plus grave qui a été souligné à ce moment par la presse et que je maintiens. »
  3. Note manuscrite d’un témoin ; le propos fut tenu à Sainte-Menehould, en plein prétoire.