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SCHEURER-KESTNER


« 1.500 à 1.800 adresses », et il faisait le rabatteur, parlant discrètement, dans les cercles, de la maison pour y attirer des clients[1] » ; on lui devait bien, en échange, une nièce « à millions ». Il « mobilisa » ensuite, « en leur promettant un pont d’or, toutes les commissions possibles et imaginables[2] », un prêtre, un Juif, un ancien officier et un couturier. Il leur donna ces instructions : « La moralité (de la jeune fille et de la famille) est question secondaire ; on passerait sur toute espèce de choses scandaleuses pourvu qu’elles ne crevassent pas les yeux[3]. » Mais ces diverses négociations échouèrent.

Christian, d’ailleurs, s’était avisé qu’il n’avait pas fait encore son service militaire. Il a bien été ajourné une première fois ; le sera-t-il encore ? Esterhazy lui en indiqua le moyen, qui réussit : feindre une grave maladie qui ne se puisse vérifier, se faire soigner par un « thérapeute sérieux » qui en attestera, et « se purger, deux ou trois fois, au moment de passer au conseil, pour se donner tout à fait mauvaise mine[4]. »

Entre temps, il rappela Christian à Paris et lui fit honte de n’avoir pas su décider sa mère à mettre plus d’argent dans une série de belles spéculations qu’il avait imaginées. Mais la vieille dame commençait à avoir des scrupules, bien qu’il payât régulièrement les

    écriture qu’il s’est déjà trompé à diverses reprises sur des lettres qui lui ont été présentées » (II, 184 ; compte rendu officiel signé des membres du conseil d’enquête).

  1. Cass., III, 422, rapport de police du 18 novembre 1897.
  2. Lettre de l’abbé Villaume du 15 août 1897 ; j’en possède la photographie ; l’original a été versé à l’instruction du procès en escroquerie. Christian, dans son Mémoire, mentionne la lettre de « l’ecclésiastique », mais ajoute, entre parenthèses : « Signature vraie ou fausse ? ».
  3. Cass., II, 274, Rapport du colonel de Kerdrain.
  4. La lettre n’est pas datée. — Cass., II, 253, Esterhazy.