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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


aiguë, facilement irritée » ; il cherche à se dominer ; point sentimental ni aimable. « sec et cassant », mais « fortement aimant et capable de grands dévouements » ; d’ailleurs positif et pratique, très intelligent et très cultivé ; fier, conscient de sa valeur, ayant une haute idée de lui-même, sincère et droit, incapable de flatterie, et tenace, d’une énergie indomptable.

L’autre « n’est point un être vulgaire, loin de là » ; d’ailleurs « éminemment doué » ; il paraît d’une intelligence très réfléchie ; dans sa vilenie, « il a conservé des dehors corrects et donne ainsi le change » ; c’est « un fourbe qui se cache », « à la physionomie sournoise, lourde, sensuelle », avec des passions violentes et promptes, mais calme et prudent dans l’action, maître de lui, « d’une souplesse et d’une habileté de dissimulation rares», « un dévoyé » ; des vestiges de loyauté surnagent dans le naufrage de son être moral ; sa vie est pleine « de tristesses secrètes » et de l’amer sentiment de sa déchéance[1].

En même temps qu’il sollicitait ces expertises, Mathieu poursuivait ses recherches policières. L’un de ses agents sut de la concierge de l’ambassade d’Allemagne que la pièce qui avait été révélée par l’Éclair n’était pas une lettre de Panizzardi à Schwarzkoppen, mais de l’attaché allemand à l’attaché italien ; le nom de Dreyfus n’y figurait pas. Elle raconta aussi que l’un des employés de l’ambassade décachetait le courrier du comte de Munster et celui de Schwarzkoppen, copiait des

  1. Deuxième mémoire, 154, 155, 156, 160. — Voici le chiffre des honoraires qui furent, sur leur demande, accordés à ces experts pour leurs travaux : 26 livres sterling à Schooling, 300 francs à Marneffe, 1.000 francs à Paul Moriaud, 1.500 francs à Bridier, 3.000 francs à Crépieux-Jamin. Le concours de Rougemont, de Gray-Birch et de Carvalho fut gratuit, comme l’avait été celui de Monod,