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SCHEURER-KESTNER


lettres, transmettait ces copies à un autre espion français, le concierge de la maison d’en face, la maison truquée[1].

Mathieu, à plusieurs reprises, crut être sur la piste du coupable, fit suivre des officiers qui lui étaient signalés. Mais, à l’examen, ces dénonciations furent reconnues mensongères.

Henry lui fit tendre des pièges, lui adressa des agents provocateurs, des émissaires qui lui proposèrent, en vain, de faux documents.

Bernard Lazare continuait sa propagande. Il publia une seconde édition de son mémoire augmenté de quelques renseignements nouveaux et d’un fac-similé du bordereau, d’après celui du Matin. Il trouva, cette fois, un éditeur parisien, Stock, qui devint un militant. Sa brochure et ses fac-similés en mains, il essaya de convaincre des personnalités politiques et littéraires. Coppée l’écouta avec émotion ; l’idée d’une erreur judiciaire avait troublé son sommeil. Zola loua le courage du jeune écrivain, mais absorbé par le roman qu’il écrivait alors[2], ne lut pas son mémoire. Claretie fut sceptique, Sarcey indifférent. Mirbeau, Brulat, Quillard, Héricourt eurent l’instinct du drame et en furent troublés. Judet, Edmond Lepelletier hésitaient. Le sénateur Isaac, un mulâtre de grand cœur, mais sans influence, promit son concours. Bérenger, légiste, l’auteur de la loi de sursis, eut une entrevue avec Demange, mais ne fut pas convaincu. Berthelot écrivit à Bernard Lazare qu’il n’était qu’un chimiste et lui conseilla de s’adresser à un jurisconsulte. Goblet[3], Albert de

  1. Souvenirs de Mathieu Dreyfus.
  2. Paris.
  3. 6 mai 1897 : « J’ai en horreur le crime imputé au capitaine Dreyfus, et rien ne m’autorise à croire que les officiers