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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


Mun[1], déclinèrent toute entrevue. Ranc fut très cordial et chaleureux.

J’avais reçu la visite de Mme Dreyfus et de son père. L’attitude de cette jeune femme, simple, mais très digne, la tête haute dans le deuil immérité de l’honneur, m’avait profondément ému. Elle me donna à lire quelques lettres de son mari ; c’étaient les lettres d’un innocent.

IX

Scheurer-Kestner restait perplexe. D’un instinct sûr, Ranc et moi, nous nous obstinions à voir en lui l’auteur de l’inéluctable revision. Nous savions la vaillance de ce grand cœur ; par l’universel respect qui l’entourait et par son autorité morale, le premier vice-président du Sénat était l’homme de cette belle entreprise. Il ne nous échappait pas qu’elle serait rude, hérissée d’obstacles de toutes sortes, que l’opinion, d’abord, serait hostile, que les antisémites et les patriotes de profession auraient recours à leurs violences et à leurs

    français qui l’ont condamné à la suite d’une instruction régulière, et malgré les efforts de son éminent défenseur, aient pu s’égarer au point de commettre l’irréparable erreur que vous supposez. Si des doutes sérieux subsistaient sur la culpabilité du capitaine Dreyfus, ce serait à son avocat de les faire valoir. Pour moi, je n’ai aucune qualité ni aucune raison pour intervenir dans cette affaire. René Goblet. » — Cette lettre fut publiée par Goblet lui-même dans la Dépêche du 30 novembre 1898.

  1. 10 mai 1897 : « Puisque vous voulez bien me faire connaître d’avance l’objet dont vous désirez m’entretenir, je dois vous dire que je ne crois pouvoir accepter aucune conversation sur ce sujet. A. de Mun. »