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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


successeur, — petite habileté d’où vont découler de grandes catastrophes, — les agents extérieurs du service ignoraient, selon le jargon du lieu[1], « la mort » de leur ancien chef, et ils continuaient à s’adresser à lui.

Quand Henry ne reconnaissait pas l’écriture de ces correspondants de Picquart, il ouvrait leurs lettres ; il lui expédiait les autres, témoignant ainsi de son respect pour le secret des correspondances[2].

Plusieurs agents, s’étant rendus au bureau, s’informèrent de Picquart ; il leur fut répondu que le chef du service était en voyage, et qu’on ignorait la date de son retour ; ils lui écrivirent leur déconvenue[3].

Picquart avait souffert de sa fausse mission, du rôle « antimilitaire » qu’il avait dû jouer. Ces lettres achevèrent de l’excéder[4]. Le 18 mai, il en reçut une, d’un commissaire spécial. Il la renvoya, avec cette note « personnelle », à Henry :

Que l’on dise donc une bonne fois aux gens que j’ai été relevé de mes fonctions ou que je n’occupe plus mes fonctions. Je n’ai aucune raison d’en rougir ; ce qui me fait rougir, ce sont les mensonges et les mystères auxquels ma mission donne lieu depuis six mois.

Cette note parvint à Henry quatre ou cinq jours après. Il la montra à Gonse, annonçant son intention « d’écrire immédiatement au colonel Picquart, avec de la bonne encre, car il en faisait une affaire personnelle[5] ».

  1. Cass., I, 303, Cordier.
  2. Instr. Fabre, 140, Henry.
  3. Ibid., 79, Picquart.
  4. Procès Zola, I, 289 ; Cass., I, 195, Picquart.
  5. Instr. Fabre, 140, Henry.