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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


Lebon, de « prévenir, même par les moyens les plus décisifs, l’enlèvement ou l’évasion du déporté[1] ».

Le 16 juin de cette année, un peu avant 9 heures du soir, le surveillant aperçut « une goëlette, ayant le cap au sud-ouest, qui venait d’entrer dans le chenal entre l’île Saint-Joseph et l’île du Diable ». Il lança une fusée. Deniel, installé à l’île Royale, fit sonner aussitôt l’appel aux armes et ordonna, par signal, de tirer sur la goëlette, d’abord à blanc, puis, si elle continuait à avancer, à balle. Il se précipita ensuite dans un canot, avec huit de ses hommes, et, moins d’une demi-heure après, débarqua à l’île du Diable, où il trouva « le canon en batterie, les surveillants, en armes, à leur poste de combat ». La goëlette avait viré de bord et s’était éloignée immédiatement vers Cayenne[2].

On sut, le lendemain, que c’était un bateau anglais[3] qui s’était trompé de route.

Le surveillant rendit compte à Deniel que « le déporté s’était réveillé en sursaut et s’était dressé sur son lit aux coups de feu[4] » ; il avait interrogé le surveillant, qui resta muet[5]. « Puis, il s’est étendu sur le dos, ne bougeant plus ; mais l’homme croit avoir vu ses prunelles dardées sur lui[6]. »

Surpris par le bruit, si Dreyfus s’était jeté à bas du lit, il eût reçu une balle dans la tête.

Sa case, depuis la construction des palissades, était

  1. Consigne du 1er  janvier 1897.
  2. Rennes, I, 250, 251, Rapport de Deniel du 27 juin 1897.
  3. Le Nepouset, du port de la Barbade, capitaine Nash. — La même aventure arriva au capitaine Azernal, du vapeur Horten, au commandant Roth, de la Ville-de-Tanger (Jean Hess, loc. cit., 58).
  4. Rapport.
  5. Cinq Années, 265.
  6. Rapport.