Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1903, Tome 2.djvu/549

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
539
SCHEURER-KESTNER


difficultés qu’il rencontrait[1] ; mais aucun obstacle ne l’arrêtera. S’il a été lent à se décider, il n’en sera que plus énergique dans l’action ; « la résolution une fois prise dans sa tête carrée d’Alsacien », il donnera à cette cause sa vie. (Il la lui donna.) Et l’allégresse héroïque est en lui : « Vous dire la joie avec laquelle je pense aux bonheurs à reconstituer m’est impossible ; mon cœur bondit[2]. » Je lui écris : « Mon cher Arouet… » Toujours simple, il me répond « qu’il n’est qu’un bourgeois passionné contre l’injustice[3] ».

XV

De nouveau, Billot était très perplexe.

Alors même que Picquart, puis Scheurer, n’auraient pas été suivis chez Leblois par quelque agent, ces trois noms, forcément, s’associent dans sa pensée. Ainsi le spectre refuse de mourir. Ne serait-il pas plus simple de faire justice ?

  1. « Il me faudra beaucoup de temps pour aboutir. » (Lettre du 26 juillet 1897.) « Je ne suis pas au bout de mes peines. » (7 août.) « Hélas ! je rencontre des difficultés énormes. » (20 août.) Mais, fidèle à sa promesse, s’il me consultait sur les questions juridiques, il restait muet sur les révélations de Leblois et ne me nommait ni Picquart ni Esterhazy : « S’il faut qu’on me dise tout, il n’en résulte pas la réciproque. » (26 août.)
  2. Lettre du 7 août.
  3. Lettre du 26 juillet : « De ces bourgeois, il y en a, je crois, un certain nombre encore… Ce sont les autres qui n’ont pas de cœur. Or, ce n’est pas du tout la même chose d’avoir un cœur, quand les autres n’en ont pas, que d’avoir un cœur supérieur à celui des hommes qui en ont. Je ne suis que dans le cas des premiers. »