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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

« les déclarations de Picquart ne seraient qu’un appoint » ; pourtant, il essayera « d’obtenir de ce côté tout ce qu’il pourra » ; mais « il doit éviter de presser trop vivement un homme qui a beaucoup souffert et que l’on pourrait perdre ». Puis : « Il ne faut frapper qu’à coup sûr, après avoir réuni toutes les armes, s’être assuré toutes les alliances… Ces gens-là se défendront ; ils sont sans scrupules. C’est tout un monde qui s’écroulera le jour où notre affaire aura reçu sa solution. »

Ici Leblois ne cherche plus des prétextes dilatoires, à son habitude, et il ne court pas les surfaces : il pénètre au fond des choses.

Je venais de mettre Scheurer au courant des deux procédures : annulation, revision, qui, l’une et l’autre, ne peuvent se passer de preuves. Dès le lendemain, il répliqua vivement à l’avocat[1] : « Si le bon Dieu lui-même se bornait à demander la revision basée sur le désir de justice, mais sans vouloir confier au garde des Sceaux qu’il a les moyens de le forcer à agir, le ministre et le Parlement feraient le nécessaire pour enterrer l’affaire et, cette fois, d’une manière définitive. » Il demande donc, de nouveau, à être « délié ».

La réponse de Leblois[2] fut longue et confuse. Si le jugement est annulé (mais il n’indique aucun moyen de démontrer l’illégalité commise), « l’absence de preuves entraînera l’acquittement définitif ». Il hésite à interroger son ami, car il prévoit que « sur certains points », Picquart répondra par un refus. Aussi bien, il est difficile de traiter une question aussi complexe par écrit ; il propose un rendez-vous pour le mois prochain[3].

Scheurer, dans ses lettres, ne me dissimulait point les

  1. De Thann, 16 août 1897.
  2. Du 19 août.
  3. « Dans la première quinzaine de septembre. »