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SCHEURER-KESTNER


abandonner l’idée d’adresser au garde des Sceaux une requête soit en revision, soit en annulation. Un simple citoyen est réduit à suivre ces voies longues et pénibles ; le premier vice-président du Sénat peut saisir directement le gouvernement de la République. Parmi tant de grands personnages, le Président de la République, le président du Conseil, le ministre de la Guerre, le ministre de la Justice, il s’en trouvera bien un qui donnera à la confidence loyale de Scheurer les suites qu’elle comporte.

Scheurer était dans une de ses heures d’optimisme. Il jugeait les autres d’après lui-même. Malgré l’expérience qu’il eût pu acquérir depuis quelques années, il croyait que les hommes au pouvoir étaient de la race des vieux républicains, ses maîtres et ses compagnons d’armes d’autrefois. La seule idée d’une aussi terrible erreur les remplira d’angoisses ; ils voudront savoir la vérité. S’ils hésitent, sa parole les y décidera.

Leblois promit à Scheurer qu’en attendant ces entrevues décisives, il s’efforcerait « d’agir doucement » sur Picquart ; si on l’effarouche, le lieutenant-colonel est homme à redemander à son ami les pièces qu’il lui a confiées ; peut-être pourra-t-il venir à Paris en octobre ; il accompagnera alors Scheurer et Leblois chez Félix Faure.

Leblois dit que Picquart songeait à donner sa démission pour se rendre libre. Scheurer se récria : ce principal témoin perdrait toute autorité, il passerait pour un mécontent qui cherche seulement à se venger[1].

  1. Mémoires de Scheurer. — L’entrevue eut lieu le 10 septembre 1897.


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