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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


judiciaire de 1894 est sous scellés, et la copie du dossier secret, ce serait la besogne d’une heure, incombant d’ailleurs à Gribelin.)

En fait, si Du Paty, trois mois durant[1], a été détaché du bureau des opérations militaires[2] au bureau de Gonse, c’est pour cette autre opération : surveiller, diriger Esterhazy. Et il s’y employa de son mieux, d’une sottise extrême, pensant parfois que son client relevait « du conseil de santé », s’effrayant de ses propos, — quand ce forcené racontait que « la bande voulait tout faire sauter, surtout Boisdeffre », ou quand il menaçait de certains documents, « gênants et ennuyeux » pour des personnalités militaires[3] ; — puis, fier de « l’avoir remonté[4] » et s’imaginant le conduire par la main, alors qu’il n’était que le paravent d’Henry.

Le lendemain de l’entrevue de Montsouris, Du Paty se rencontra deux fois avec Esterhazy, d’abord, dès le matin, au cimetière Montmartre[5], et sans se nommer encore[6], car, prudent dans ses extravagances, il tremblait d’être suivi par quelque policier et il eût voulu rester un inconnu pour l’homme dont il s’était institué le sauveur. Mais Esterhazy savait à qui il avait affaire.

Comme Esterhazy parlait toujours d’appeler l’Empereur d’Allemagne à son secours, Du Paty l’invita à s’adresser plutôt au ministre de la Guerre, au chef su-

  1. Cass., I, 567, Gonse : « Du Paty a travaillé avec moi depuis fin octobre 1897 jusqu’au mois de janvier 1898. »
  2. Ibid., 444, Du Paty : « J’y étais chargé d’un travail secret, urgent et important. »
  3. Ibid., II, 178, 185, conseil d’enquête Esterhazy, Du Paty.
  4. C’est ce qu’il dit à Gribelin (Cass., I, 435).
  5. Cass., I, 579 ; II, 182, Esterhazy. Du Paty ne précise pas le lieu du rendez-vous.
  6. Ibid., II, 192, Du Paty.