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LA COLLUSION


le cérémonial d’un bourgeois gentilhomme. Il avait rêvé d’un costume. Cependant, sous les dehors brillants d’une force physique dont il était fier, il cachait une constitution usée par des excès de toutes sortes et, sous la rayonnante sottise du contentement de soi, une pauvre âme apeurée par l’obsession des secrets de famille que détenait Drumont. Il avait fait de son siège présidentiel une sorte de trône, mais qui, à chaque instant, risquait de disparaître comme en une trappe de théâtre.

Son entretien avec Scheurer fut très court. À l’offre des confidences du sénateur alsacien, il répondit par un refus net de les recevoir ; les reçût-il, il n’en pourrait faire usage. Scheurer, ainsi repoussé du premier mot, n’osa pas insister ; il recommanda seulement une grande méfiance à l’endroit des renseignements officiels. « Accordez-moi, au moins, une neutralité bienveillante. »

Félix Faure, comme soulagé d’un grand poids, la lui promit[1].

XIV

Le lendemain, Scheurer se rendit chez le ministre de la Guerre.

Billot tombait au plus bas. D’une intelligence aiguisée, il se rendait compte que des machinations ténébreuses s’opéraient autour de lui, mais, incapable d’y mettre un terme, il faisait mine de les ignorer. Et d’autant plus s’enhardissaient Boisdeffre, Gonse, Henry, jus-

  1. 29 octobre 1897. — Mémoires de Scheurer.