Il faut donc que nous combinions nos efforts pour éviter un pareil malheur, et je suis prêt, tu l’as bien vu, à m’y employer de toute mon âme
Mon vieil ami, écoute-moi donc !
Mais le vieil ami ne l’écouta pas. Et tout le temps que va durer ce long pacte de silence, imprudemment consenti, mais religieusement tenu par Scheurer, le vent de mensonge souffla en tempête à travers la presse, et souleva l’opinion contre le téméraire qui troublait le repos du pays.
On a déjà vu à l’œuvre ces hommes, les mêmes qui, en 1894, républicains ou royalistes, avaient assommé Dreyfus avant qu’il fût jugé. C’étaient les gens de la Libre Parole, puis Rochefort, Judet, Millevoye, les Janicot et les Veuillot, Alphonse Humbert, un autre ancien fonctionnaire de la Commune, Lepelletier, le père Bailly et les Assomptionnistes de la Croix. Il y faut ajouter quelques goujats de lettres, deux Juifs qui voulaient se faire pardonner de l’être, Arthur Meyeret Pollonnais[1], et Vervoort, le beau-frère de Rochefort[2].
Aussi bien, pour préparer cette grande entreprise d’empoisonner l’âme française, l’État-Major n’avait pas attendu l’incident qui, tout à coup, comme une rencontre de cavaliers aux avant-postes, a fait éclater les hostilités. Déjà, depuis plusieurs semaines, les directeurs des journaux à gros tirage ont été pressentis