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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


désormais avenue de la Grande-Armée[1]. » Henry fit saisir au bureau que révélait le télégramme intercepté, toute la correspondance de Tunisie ; il y trouva deux lettres de Picquart, en style convenu, qui n’avaient trait d’ailleurs ni à Esterhazy ni à Dreyfus et dont le destinataire était désigné par un numéro et par des initiales[2]. Un agent guetta la personne qui les viendrait réclamer : c’était la comtesse Blanche de Comminges[3].

Le cabinet noir continua à retenir les lettres de Picquart[4], qui prenait ainsi figure de suspect, presque d’accusé.

Esterhazy commença par adresser à Picquart, sous la dictée d’Henry[5], une lettre de menace[6]. Il en fit

  1. Cass., I, 345, Cuignet. — Picquart dépose que « sa correspondance a cessé de lui parvenir à partir du 7 novembre ». (Cass., II, 266.) La date coïncide avec celle que donne Cuignet.
  2. 19 novembre 1897. — Procès Zola, I, 266, Pellieux : « Il a été retiré de la poste restante de l’avenue de la Grande-Armée des lettres qui portaient l’indication « P. P. » et un certain numéro. » Pellieux ajoute que ces lettres furent retirées par Mlle de Comminges : « Le colonel Picquart me l’a avoué et m’a dit que, s’il avait fait retirer ces lettres de la poste restante, s’il s’était fait adresser des lettres poste restante, c’est parce qu’on retenait sa correspondance au ministère de la Guerre. » — De même Cuignet (Cass., I, 345).
  3. Instr. Ravary, 10 déc, Henry : « La Sûreté nous a informé que cette dame de Comminges recevait du colonel Picquart des lettres qu’elle allait retirer elle-même au bureau de l’avenue de la Grande-Armée. » Ce rapport de police, ainsi qu’il fut constaté par Bertulus et par Tavernier, est postérieur à l’envoi des dépêches Blanche et Speranza. Du Paty en tira argument (Rennes, III, 564) pour se disculper dans l’affaire des télégrammes. Le fait est exact, mais l’argument est sans valeur, qu’il s’agisse de Du Paty ou d’Henry qui, tous deux, savaient que Picquart était l’ami de Mlle de Comminges.
  4. Enq. Pellieux, 27 nov.; Procès Zola, I, 310, Picquart.
  5. Cass., II, 182 ; Dép. à Londres, 26 février 1900, Esterhazy.
  6. Le 7 novembre 1897 (Instr. Fabre, 260).