Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1903, Tome 2.djvu/679

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
669
LA COLLUSION


aperçut un policier en disgrâce, Souffrain[1] ; rencontre heureuse qui lui permettra, plus tard, comme à Henry, d’attribuer cette dépêche à l’ancien agent de la sûreté, « devenu celui du Syndicat[2] ».

Mais cette dépêche ne faisait intervenir que la capricieuse « dame voilée[3] ». On décida de compromettre également Mlle de Comminges, puisqu’on la savait l’amie de Picquart. En conséquence, Esterhazy expédia, le soir même, à dix heures, un autre télégramme ainsi conçu : « Lieutenant-colonel Picquart, Sousse. On a preuve que le bleu[4] a été fabriqué par Georges.

    ments que donne la Sûreté : ce télégramme a été déposé au bureau de la rue Lafayette. » — « Il m’a été prescrit, dit Esterhazy, de le porter au bureau de la rue Lafayette. » (Dép. à Londres, 26 fév. 1900.) La dépêche (n° 47.851) fut expédiée à midi 20 (Cass., II, 262). Esterhazy donna une prétendue adresse de l’envoyeur : « Mme Keller, Grand-Hôtel. »

  1. Procès Esterhazy, 136 : « Connaissez-vous Souffrain ? — Non. » — Cass., II, 238, Christian : « La présence de Souffrain au même guichet a été trouvée étonnamment heureuse ; plus tard, on s’est empressé de diriger les soupçons contre lui. »
  2. Esterhazy : « J’appris que l’enquête (du ministère de la Guerre) l’attribuait à Souffrain. » (Dép., 30.) — Instr. Ravary 10 décembre 1897 : « Ravary : C’est même grâce à vous que l’on a pu découvrir que le télégramme Speranza est de Souffrain. — Henry : C’est la Sûreté générale qui nous a informés. » — Picquart, dans sa plainte au procureur de la République, désigne Souffrain comme auteur probable de la dépêche (4 janvier 1898). Il explique ensuite que cette piste lui a été indiquée par le général de Pellieux (II, 214, 215). Roget répète, ici encore, la version qu’il tient d’Henry (Cass., I, 103). Cuignet convient que Souffrain, à l’enquête Bertulus, a établi un alibi probant (il établit seulement que la dépêche n’était pas de lui), et, dès lors, que l’expéditeur doit être Du Paty, qui, pour l’occasion, se serait affublé d’une barbe noire (Cass., I, 346).
  3. À l’enquête Bertulus, Esterhazy dit « que la dame voilée lui a affirmé n’avoir aucun contact avec la personne qui signait Speranza » (II, 224). De même, lors de son procès (126). Il s’amuse, ou veut accroître la confusion de l’affaire.
  4. Picquart observe (Enq. Pellieux, 2 nov.) que le petit bleu n’était connu que de Billot, de Boisdeffre, de Gonse, d’Henry,