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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


ranza. » — Le demi-dieu, c’était, maintenant, Scheurer[1] ; Speranza, après avoir livré les secrets de Picquart à Esterhazy, était prise de remords ; elle avertissait Picquart pour essayer de le sauver après avoir tout fait pour le perdre. Seulement, comme elle a rompu depuis quelque temps avec lui, elle n’est plus informée de sa résidence exacte et elle adresse son avertissement en Tunisie, sans préciser[2]. Et, encore une fois, le nom de Picquart est mal orthographié, par une vieille habitude de faussaire, qui, dans l’espèce, était une faute, car Speranza, naguère, a écrit correctement le nom de son ami[3]. Esterhazy, pour que son écriture ne traînât pas dans les bureaux de poste[4], fit copier par la fille Pays[5] le texte de la dépêche. Il la déposa lui-même au bureau de la rue Lafayette[6], où il

  1. Procès Zola, I, 95, Leblois.
  2. Enq. Pellieux, 27 nov. 1897, Picquart : « J’habitais Sousse et tous mes amis le savaient pertinemment. »
  3. Dans la lettre du 15 décembre 1897.
  4. Cass., I, 796, Pays.
  5. Elle l’avoua, le 15 juillet 1898, au juge d’instruction Bertulus : « C’est moi qui ai écrit le télégramme Speranza. » (Cass., I, 223, Bertulus ; II, 233, procès-verbal signé : Pays, Bertulus, André.) Puis, le 18 juillet, elle se rétracta (II, 239). Or, ce même jour, Henry déclara à Bertulus que les auteurs des deux télégrammes étaient Esterhazy et Du Paty (Cass., I, 226), « que le faux Speranza était de Mlle Pays et que le faux Blanche venait de Du Paty » (Rennes, I, 345). S’il essaya d’équivoquer par la suite, Bertulus ne l’en obligea pas moins à confirmer ses déclarations dans une déposition signée (Cass., I, 229). Christian Esterhazy déposa alors qu’il tenait d’Esterhazy et de sa maîtresse que l’écriture du télégramme Speranza était de la fille Pays (II, 230) et il le maintint, avec énergie (242), quand il fut confronté avec le commandant. Celui-ci nia de la façon la plus absolue (243). mêmes dénégations de Marguerite Pays quand Bertulus procéda à la comparaison entre l’écriture de la dépêche et celle de diverses lettres émanant de l’inculpée (256). Enfin, dans sa déposition à Londres (26 février 1900), Esterhazy adopta la version d’Henry.
  6. Enq. Pellieux, 28 nov. 1897, Henry : « Voici les renseigne-