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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

Elle a eu quelque sujet d’en douter, et la dernière lettre qu’elle a reçue de vous, qu’elle m’a communiquée et dont j’ai fait part à M. Scheurer-Kestner, était si triste et si douloureuse, malgré l’irréductible confiance dans l’avenir que vous y exprimez encore, cette lettre nous a si profondément émus que j’ai décidé, d’accord avec M. Scheurer-Kestner, de vous écrire moi-même. Dans la lettre que j’ai reçue de lui ce matin, M. Scheurer-Kestner m’affirme encore, et dans des termes plus formels que jamais, sa profonde, son inébranlable certitude. Il agira avant la fin de l’année. Il a mis tout son cœur dans cette œuvre de justice. Il m’écrit : « Justice sera faite ou j’y périrai. »

Aujourd’hui, M. Scheurer-Kestner tient surtout à ce que vous soyez avisé. Il pense, il sait que la certitude que votre cause, loin d’être abandonnée, vient de trouver le plus résolu des défenseurs, vous rendra, dans le long et terrible martyre qui vous est imposé, la force de vivre, la force morale et la force physique. Il ne nous suffirait pas que votre mémoire fût réhabilitée ; il faut que justice vous soit rendue à vous-même. Espérez donc ; que l’idée du secours que va vous apporter ce patriote, vous soutienne dans vos épreuves, aux dernières heures de votre supplice si courageusement supporté ; vivez, vivez pour votre noble femme, vivez pour vos enfants, pour vos frères dont le dévouement ne s’est jamais lassé ; vivez, Monsieur, — je le dis avec confiance, — et pour la France et pour l’armée.

Joseph Reinach,
député.

Je vous serais obligé de m’accuser immédiatement réception de cette lettre à l’adresse suivante : 6, avenue Van Dyck, Paris. Il est essentiel que nous sachions, M. Scheurer-Kestner et moi, que cette lettre vous est parvenue, originale, intacte, sans coupures.

V

Les dépêches Blanche et Speranza

Esterhazy a déclaré, d’abord, « qu’il était absurde « de mêler Du Paty à l’affaire des télégrammes[1]. Il a raconté

  1. Cass., II, 243, Enq. Bertulus, Esterhazy.