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ESTERHAZY


ment ces « cochons » ont juré sa ruine[1], mais encore la mort de ses enfants », de sa petite fille, « qui a été malade, l’hiver dernier ». Tout cela est « immonde et lâche ».

Quelles canailles que ces gens-là et quelle joie j’aurais de donner ma démission, de montrer combien tout ce qui touche cette armée n’est que blague, farces, mensonges, vantardise, couardise et fanfaronnade ! Que je les méprise et que je les hais, pour tout le mal qu’ils m’ont fait, qu’ils me font, pour tout ce qu’il y avait de bon en moi qu’ils ont détruit[2] !

On sent ici l’approche du naufrage final.

Cependant, et tout en continuant à les injurier, Esterhazy sollicitait ses chefs[3]. Il avait retrouvé, depuis son mariage, son ancien camarade du bureau des Renseignements, Maurice Weil, alors officier d’ordonnance (au titre territorial) du général Saussier. Le gouverneur de Paris, circonvenu par Weil, et le général du Guiny intervinrent en sa faveur, mais sans succès : le règlement était formel, il était impossible de le faire passer au 3e corps. « Vous ne trouverez jamais, lui écrit

  1. Lettre à Isaac. — Dans ses lettres à Isaac et à Grenier, beau-frère de Crémieu-Foa, il se prétend victime de l’antisémitisme : « Si je ne suis pas nommé, c’est pour complaire à un petit drôle, le commandant Curé, de mon régiment, ancien officier d’ordonnance du directeur de l’infanterie… C’est lui qui manifesta son antisémitisme d’une façon aussi violente, près de Gallimard, lors des histoires du duel. » Et encore : « Les Rothschild sont bien bêtes s’ils ne se rendent pas compte que c’est eux qui sont visés derrière tout cela et qui trinqueront un jour, s’ils n’y prennent garde. Franchement, ils ne l’auront pas volé. »
  2. Lettre à Grenier.
  3. Lettre à Grenier : « Le chef qui me tirerait du pétrin pourrait me demander ma peau le soir même ; je la lui donnerais de grand cœur, sur mon honneur. »