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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


paya grassement cette première fourniture et l’engagea, à 2.000 marks par mois[1].

XII

Esterhazy, dès sa première rencontre avec son employeur, lui dit qu’il se documentait au bureau des Renseignements ; un peu plus tard, il lui nomma son collaborateur : Henry. Et il le lui nomma fréquemment, par la suite, dans ses conversations et dans ses lettres.

  1. Renseignements inédits. — Le savant F. Cornwallis Conybeare m’écrivit, le 28 juin 1898, dans une lettre qui fut publiée par la presse du monde entier : « Je suis assuré que le colonel de Schwarzkoppen ne niera pas qu’il donnait une mensualité de 2.000 francs à son informateur habituel, le commandant Esterhazy. » Conybeare défiait tout démenti autorisé. Il ne s’en produisit aucun. — La date de 1893, pour l’entrée d’Esterhazy au service de Schwarzkoppen, m’a été donnée par le prince de Munster lui-même. Cuers a donné la même date à Henry et à Lauth, lors de l’entrevue de Bâle ; du moins Cuers l’a affirmé, par la suite, à un témoin qui recueillit par écrit ses déclarations. La note, rédigée par Lauth à son retour de Bâle, débute ainsi : « Au mois d’août 1893 ou 1894, on n’a pas su ou voulu préciser l’année… » — De même, à l’instruction Tavernier, 5 octobre 1898 : « Cuers raconta, dépose Lauth, que l’espion — le major — était entré au service allemand au moment des manœuvres de 1893 ou 1894. Malgré l’insistance qu’on y mit, il refusa de préciser l’année… Il fut renvoyé à l’automne de 1895, aussi à l’époque des manœuvres, sur l’ordre formel envoyé de Berlin à l’attaché militaire qu’il eut à rompre avec un homme qui donnait des renseignements faux… » Ici encore, la date, donnée par Lauth, est fausse ; le petit bleu étant de 1896, Lauth dit que l’espion fut congédié en 1895 afin de rendre cette pièce inapplicable à Esterhazy. Cuers parla aussi d’une première rupture qui eut lieu, comme on va voir, en 1894, à l’époque des manœuvres de printemps.