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L’ENQUÊTE DE PELLIEUX

J’ai des documents, écrivait-il à Grenier, qui établissent que le ministre s’est f…u de la Commission de l’armée en disant que les effectifs, dans l’Est, répondaient à ceux des Allemands ; ce sont des situations de prises d’armes des troupes du 6e corps… Quant aux effectifs des autres corps, c’est funambulesque… Si Roche veut une situation de prise d’armes et d’effectif, je les lui enverrai pour l’édifier sur la bonne foi des renseignements qu’on lui donne. Ces gens du Gouvernement, je parle des ministres et des généraux, ont assassiné l’armée française ; ils mentent tous comme un fourrier pris en faute. Ce sont des criminels et, malheureusement, ils resteront impunis… Ce qui est terrible, chez nous, c’est la faiblesse de notre infanterie, faiblesse mécanique et faiblesse morale… La mobilisation russe est absolument défectueuse, presque impossible même, dans certains cas, sur le papier. Et je n’ai eu en mains que des documents officiels, en admettant que ces canailles slaves ne nous roulent pas[1] !

Quand Jules Roche eut pris connaissance de ces pièces, qu’en fit Esterhazy ? Volontiers, il tirait d’un sac deux moutures.

Vers la fin de l’interrogatoire, Esterhazy, passant de la défensive à l’offensive, dénonça que des faux nombreux avaient été fabriqués contre lui : par Cesti, « l’un des agents les plus actifs dans les bas-fonds du Syndicat », au service de Mathieu ; — c’était Henry qui avait envoyé cet aventurier aux Dreyfus[2] ; — et par Picquart, qui avait cherché, en vain, à faire timbrer à la poste « une carte-télégramme censément adressée à l’accusé et rédigée en style conventionnel ; il y est question d’une soi-disant maison de commerce désignée par une initiale[3] ».

  1. Lettre du 2 mars 1894 Rennes. III. 556).
  2. Voir t. II, 183.
  3. Cass., II, 102, Enq. Pellieux, 25 novembre 1897.