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L’ENQUÊTE DE PELLIEUX


consulter ! Maintenant, il ne pouvait ni couvrir Leblois sans se frapper lui-même ni le désavouer sans honte ; et il souffrait de tout ce bruit fait autour de son nom, de tant de mensonges et de calomnies déjà répandus sur lui.

À la gare, au débotté, il trouva son ami, le lieutenant colonel Mercier-Milon, dont Boisdeffre, adroitement, avait fait choix comme ambassadeur. Mercier-Milon lui demanda d’abord « sa parole de ne voir qui que ce soit, pour quoi que ce soit, avant de paraître devant le général », parole qui fut scrupuleusement tenue. Il lui fit sentir ensuite qu’on n’était pas mal disposé à son égard au ministère ; notamment, le général Delanne avait dit : « Tout cela est bien malheureux pour l’État-Major, mais nous ne demandons qu’une chose, c’est que Picquart revienne parmi nous[1]. »

Picquart, lui aussi, n’a pas d’autre désir : mais il ne rentrera pas au prix d’un mensonge.

Il vit très bien que Boisdeffre et Billot lui proposaient, un marché.

Henry avait mis à ses trousses une nuée d’agents qui, désormais, le suivront partout, et il continuait à faire saisir sa correspondance[2].

D’abord, Pellieux, d’une correction affectée et malveillante, laissa Picquart déposer de ce qu’il savait d’Esterhazy. Picquart lui raconta sa longue enquête et ce qu’il venait d’apprendre à Tunis : qu’Esterhazy, quand il avait fait partie du corps expéditionnaire, avait éveillé déjà des soupçons ; que Schwarzkoppen avait dit au commandant Sainte-Chapelle : « Vous ne pouvez pas vous

  1. Procès Zola, I, 292 : Cass., I. 202, Picquart.
  2. Picquart s’en plaignit à Pellieux, et fit inscrire sa plainte (30 novembre 1897). Il crut d’abord que Pellieux était étranger à cette surveillance, mais fut vite détrompé (Cass., I, 203).