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L’ENQUÊTE DE PELLIEUX

Le journal belge avait, en effet, publié la veille une lettre d’un Suisse, son correspondant, qui avait causé avec un inconnu, lequel avait entendu raconter encore d’autres sottises : qu’Esterhazy s’était réfugié à Londres après la dénonciation de Mathieu Dreyfus ; que Scheurer avait un dossier ; qu’il le faisait « distiller » par le Figaro, etc. Le rédacteur suisse du journal belge avait été dupe d’un sot ou d’un provocateur.

L’imposture venait d’Esterhazy lui-même qui en avait fait confidence à un journaliste parisien[1]. Il « savait » que les juifs tenaient en réserve, pour le perdre, une fausse dépêche à lui adressée.

Je rencontrai Fernand de Rodays chez Leblois. Il me demanda ce que je savais de cette histoire. Je lui dis qu’elle était proprement imbécile : la dépêche n’existait pas, puisque Esterhazy, comme cela avait été établi, n’était point allé à Londres.

Au conseil des ministres qui se réunit le lendemain à l’Élysée, Billot communiqua d’abord que le gouverneur de Paris n’avait pas ratifié les conclusions du général de Pellieux. Puis, il sortit une lettre de Boisdeffre. Le chef de l’État-Major général signalait que les journaux de la veille avaient annoncé la prochaine publication d’un télégramme adressé par lui à Esterhazy ; en conséquence, il priait Billot d’envoyer à l’Agence Havas ce démenti officiel : « Le général de Boisdeffre n’a jamais télégraphié ni écrit quoi que ce soit au commandant Esterhazy, qu’il n’a jamais vu ni connu et auquel il n’a jamais fait ni fait faire la moindre communication. »

Ce matin même, avant que Boisdeffre ne portât sa

  1. Esterhazy eut cette conversation, le 30 novembre, avec un rédacteur du Matin qui la publia le lendemain. La correspondance suisse du Soir de Bruxelles est datée, également, du 30 novembre.