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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


neur de l’armée qui est au-dessus de pareilles polémiques, mais elle l’a fait souffrir cruellement et c’est déjà trop. » Pelletan : « Vous vous accusez vous-même ! »

Selon la tactique qui lui a souvent réussi, Méline dénonce alors la tentative des radicaux qui, de cette affaire « simplement judiciaire », voudraient faire une affaire politique. La gauche, l’extrême gauche protestent : « Si la politique n’y est pour rien, pourquoi m’interrompez-vous avec tant de violence au lieu de m’écouter ? »

À cette heure, dans toute cette Chambre, qui se soucie d’autre chose que de politique ? Le centre soutient Méline par politique, ratifie, par politique, tant de fautes déjà évidentes. La gauche, par politique, le veut renverser, au moins l’affaiblir, feint, par politique, de le croire engagé avec les promoteurs de la revision. Et la droite, encore par politique, prépare son impérieuse mise en demeure.

Méline a défendu l’honneur de l’armée, qui n’est pas en cause, contre des hommes qui n’ont dénoncé qu’un traître. Pas un mot n’est tombé de ses lèvres pour flétrir la campagne antisémite, les excitations, qui se multiplient, à la guerre civile.

Maintenant, aux radicaux et aux socialistes qui le harcèlent, il offre sa place, qui n’est pas enviable : « Je voudrais bien vous voir avec une aussi lourde responsabilité que la nôtre !… Si vous pensez que nous avons manqué à notre devoir, dites-le !… Si vous croyez qu’on pouvait faire autre chose que ce que nous avons fait, venez-le dire ici !» « Assurément ! » riposte Millerand. Il fait appel aux hommes impartiaux, « à tous les bons Français qui placent avant tout l’amour de la France » ; dans l’intérêt du pays et de l’armée, il les supplie de sou-