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L’ENQUÊTE DE PELLIEUX


tenir un Gouvernement aux prises avec de telles difficultés et d’aussi furieuses passions.

Mais ces passions sont dans la Chambre, et ce qu’elles attendaient de lui, il ne le leur a pas concédé encore : son veto formel à la Revision. Au contraire, il a reconnu incidemment, que « le code offre des possibilités de revision à tous les citoyens », et il a ajouté le correctif : « en ce moment » à sa phrase : « Il n’y a pas d’affaire Dreyfus. »

Castelin, habilement, équivoque : « Le Président du Conseil nous a dit qu’il n’y a aucune corrélation entre l’affaire Dreyfus et l’affaire Esterhazy. — Il a dit le contraire ! » interrompt Pelletan, plus enragé que l’ancien ami de Boulanger. Et voici la Chambre transformée en tribunal. Castelin somme Méline de venir dire nettement « qu’il n’y a aucun rapport entre le renvoi d’Esterhazy devant un juge instructeur et la juste condamnation qui a frappé le traître Dreyfus ». Il le somme aussi de mettre un terme aux injures dont sont poursuivis les officiers : « Il y a de justes lois que M. Reinach réclamait autrefois contre nous, les boulangistes ; qu’on les applique aujourd’hui. »

Méline accepte que la question soit transformée en interpellation et que l’interpellation soit immédiate. Pourtant. « le Gouvernement n’a rien à ajouter aux explications qu’il a données ».

Pendant tout ce débat. Billot n’avait point paru à son banc. Alors, Albert de Mun : « Moi aussi, j’accepte de discuter immédiatement l’interpellation, mais pas en dehors de la présence du ministre de la Guerre ! »

Il était l’ami de Boisdeffre, se rencontrait, souvent, avec lui, dans la cellule du père Du Lac.

Il ne parla que peu de minutes, d’une voix vibrante, qui parut émue, et lançant ses phrases comme des balles.