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L’ENQUÊTE DE PELLIEUX


dans les esprits le doute et le soupçon contre des officiers qui…

L’émotion serre à la gorge l’admirable comédien. Il s’arrête. Une intense suggestion épidémique, fulminante, a gagné toute la Chambre. Quoi ! la légende du Syndicat, cette invention des Jésuites, ce sont les républicains qui la ratifient ! C’est qu’il n’y a plus de républicains dans cette Chambre, mais seulement une foule, incapable, comme toutes les foules, de réfléchir, à qui le raisonnement est devenu chose aussi étrangère qu’à ces animaux décapités dont l’être ganglionnaire et spinal n’est plus sensible qu’à l’action exagérée, désordonnée, des réflexes[1]. Je sens sur ma tête la haine de trois cents hypnotisés qui se tournent vers moi, dans une même manifestation mimique, quand ils sont las d’applaudir. Je me croise les bras ; une parole, un geste eût changé cette folie en fureur. Comment lutter contre une trombe ? Jaurès, peut-être, eût pu le tenter ; il était absent. Quand il le tentera plus tard, il sera emporté.

De Mun reprend :

Ah ! vous demandiez qu’il n’y eut pas ici de questions politiques ! Non, il n’y en a pas. Il n’y a ici ni amis, ni adversaires, ni ministériels, ni ennemis du cabinet ; il y a des représentants du pays, il y a des Français soucieux de conserver intact ce qu’ils ont de plus précieux, ce qui reste, au milieu de nos luttes et de nos discordes de parti, le domaine commun de nos invincibles espérances : l’honneur de l’armée.

Il rappelle qu’il a servi sa patrie sous les armes, pen-

  1. Fournial. Psychologie des foules, 23.