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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


repoussé, livré aux attaques les plus violentes. En revanche, il a trouvé dans la presse des concours vaillants et désintéressés ; la droite ricane. « Oui, répète-t-il, vaillants et désintéressés, et, partout où l’on pense, chez tous ceux qui attachent quelque prix à l’idée de justice, des sympathies qui ont été et qui sont encore ma force. »

Il a demandé, en vain, au Gouvernement une preuve, une seule, de la culpabilité de Dreyfus. On proteste quand il dit que Dreyfus a été condamné seulement sur le bordereau. « C’est donc qu’un accusé aurait été condamné, en France, sur des pièces qu’il n’a pas été appelé à discuter et qui n’ont pas été communiquées à la défense ! » On proteste encore. Une telle violation du droit, « qui oserait la défendre, dans cette assemblée qui s’honore d’avoir voté la suppression de la vieille instruction secrète, afin d’accroître les garanties essentielles de l’accusé » ? (Pas un applaudissement ; silence.)

Le Sénat écoutait poliment, à son ordinaire, mais sans faveur.

Que doit être la revision ? « L’aveu loyal et spontané d’une erreur, une œuvre, par excellence, de réparation sociale. » (On murmure.) Méline lui a reproché de n’avoir pas saisi d’une requête le ministre de la Justice. S’il l’eût fait, on en serait aujourd’hui au même point. À la première ligne de la requête eût figuré le nom d’Esterhazy. Or, à qui eût-il appartenu de dire qu’Esterhazy était le véritable auteur du bordereau ? Ce n’était ni au garde des Sceaux ni à la commission spéciale de jurisconsultes dont l’avis est nécessaire pour que la Cour suprême soit saisie d’un fait nouveau. Le garde des Sceaux, la commission eussent renvoyé le dossier à la justice militaire[1].

  1. « Comment la revision pouvait-elle être juridiquement entreprise ? Deux voies étaient ouvertes. On pouvait d’abord,