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L’ACQUITTEMENT D’ESTERHAZY


tentative de corruption. — Un sieur Penot et l’abbé Gayraud, député, racontaient que les frères de Dreyfus avaient offert à Sandherr une somme énorme (deux cent mille francs ou toute leur fortune), pour étouffer l’affaire.

Il existait à l’État-Major, de la main même de Sandherr, un récit de son entrevue, très simple, émouvante, avec Mathieu et Léon Dreyfus[1]. Cette entrevue avait eu lieu le 14 décembre 1894, dix jours après l’ordre de mise en jugement, quatre jours avant le procès. Corrompre Sandherr n’eût servi de rien. Billot, Boisdeffre laissaient dire. Comme Mathieu Dreyfus annonça son intention de poursuivre ses diffamateurs (Penot et Mme Sandherr), le garde des Sceaux trouva plus pratique d’ordonner une instruction et d’éviter ainsi un débat public[2].

Par moi, contre Rochefort, pour diffamation, et contre Lemercier-Picard, pour faux et usage de faux. Non seulement je n’étais pas tombé au piège qui m’avait été tendu par Henry et Esterhazy, mais j’avais gardé la fausse lettre chiffrée qui était la preuve de la fourberie. L’agent, cherchant une revanche, alla chez Rochefort[3]. Il raconta que je lui avais fait fabriquer une fausse pièce pour perdre Esterhazy (la lettre même qu’il m’avait fait remettre), et, contre cinq cents francs, il en donna une copie. Le vieux pamphlétaire révéla triomphalement qu’il avait enfin la preuve matérielle de mes forgeries et des menées du Syndicat[4]. Je rétablis aussitôt les faits[5] et déposai une double

  1. Cass., II, 280. — Cordier, et Mercier lui-même, font un récit analogue : Sandherr n’eut à repousser aucune offre. (Rennes, II, 517 et 555.) — Voir t. I, 366.
  2. 29 décembre 1897.
  3. Sous le nom d’Émile Durand.
  4. Intransigeant (antidaté) des 25, 26 et 27 décembre.
  5. Dans le Temps du 25.