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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

II

Saussier avait confié l’instruction contre Esterhazy à un vieux commandant retraité, du nom de Ravary, dont on racontait de fâcheuses histoires, petit et chafouin, mal tenu, d’esprit obtus, et qui, sauf la consigne, ne comprenait rien. Il était assisté du même greffier qu’avait eu d’Ormescheville, Vallecalle, intelligent, sournois, qui en pensait plus qu’il n’en disait.

L’instruction de Ravary fut le recommencement de l’enquête de Pellieux. Il entendit les mêmes témoins ; en plus, Junck, Gonse (à la demande formelle d’Esterhazy qui eût voulu aussi Boisdeffre) ; et, à la requête de Mathieu Dreyfus, quelques civils[1]. Mêmes accusations, aggravées, contre Picquart, accueillies avec la même faveur. Même roman, embelli, d’Esterhazy, écouté avec la même déférence. Et même collusion[2].

Au début, Esterhazy, sans force de résistance, s’était remis à trembler ; Henry, d’une autre trempe, le secoua :

Soyez donc tranquille. Ravary sera mandé à la boîte et il sera stylé. On lui fera voir tout ce qui est nécessaire. C’est entendu ; tout marche très bien[3].

En effet, Gonse fit venir Ravary, lui montra le faux

  1. Picquart déposa les 9, 10, 13, 28 et 29 décembre ; Henry le 10 ; Gribelin le 11 et le 15 ; Lauth le 13 ; Gonse le 14 ; Junck le 16.
  2. Cass., I, 586 ; Dép. à Londres, 5 mars 1900, Esterhazy.
  3. Dép. à Londres, 1er mars 1900 ; lettre signée Hy. — Boisdeffre affirme n’avoir été « mêlé en rien à l’affaire Esterhazy ; l’instruction s’est faite sous la direction de Saussier ; il s’est tenu absolument à l’écart ». (Procès Zola, I, 139.)