Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1903, Tome 3.djvu/179

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
173
L’ACQUITTEMENT D’ESTERHAZY


les emprunts qu’il a consentis à son ancien ami, l’argent qu’il a recueilli pour lui chez de riches juifs, la quête avec le grand rabbin et l’abbé Seigneur[1]. Esterhazy réplique : « Tout ce que dit le témoin est faux ; je lui dois de l’argent, c’est vrai, mais je le lui paierai[2]. » Il ne conteste pas la lettre, mais s’étonne (et Ravary avec lui) qu’elle soit aux mains de Mathieu.

Un coiffeur a raconté à un journaliste[3] qu’Esterhazy, quelque temps avant d’être dénoncé, est venu dans sa boutique, qu’il a tenu d’étranges propos : « Un grand scandale va éclater, Dreyfus est innocent. » Mathieu rapporte ce récit à Ravary : « Il y a des exemples de criminels qui, poussés par un besoin irrésistible, font des confidences. » Il demande qu’Esterhazy soit confronté avec le garçon qui l’a rasé[4]. Esterhazy nie encore[5], et la confrontation n’a pas lieu[6]. « Connaissez-vous Mademoiselle de Comminges ? — Je ne fréquente aucune femme du demi-monde[7]. » « Tout cela, lui dit Du Paty, n’a aucune espèce d’importance. »

Alors que les dépositions de tous les témoins lui sont communiquées d’avance et qu’Henry et Du Paty se concertent avec lui sur les réponses à faire, Picquart ni Leblois ne savent rien des principales allégations portées contre eux par Henry, Lauth, Gribelin et Gonse[8]. La surprise leur en est réservée pour l’audience. Ravary, comme Pellieux, traita Picquart en accusé, mais

  1. Instr. Ravary, 29 décembre 1897, Weil.
  2. Ibid., 30 décembre, (Cass., II, 120).
  3. Paul Marion, ancien rédacteur à la République française.
  4. Instr. Ravary, 20 décembre, Mathieu Dreyfus.
  5. Ibid., 21 décembre, Esterhazy (Cass., II, 119).
  6. Procès Esterhazy, 145, Mathieu Dreyfus.
  7. Instr. Ravary, 8 décembre, Esterhazy.
  8. Cass., I, 204, Picquart.